Construire la Fabrique métropolitaine
Par Luc Gwiazdzinski
Article publié dans http://depasserlesbornes.fr/dplb/test-article/
Le débat sur la « métropole » engagé dans le cadre
de la réforme des collectivités locales, peut parfois s’enliser dans un
échange entre élus ou techniciens autour des avantages et inconvénients
de la réforme du « mécano institutionnel ». Chacun pèse le pour et le contre et personne n’échappe aux petits calculs égoïstes.
Certains évoquent les dates butoirs, le besoin de peser ou la nécessité d’obtenir son ticket d’entrée dans le club fermé des « entités-urbaines-qui comptent »
avec leur demi-million d’habitants. D’autres s’inquiètent du
gigantisme, de la perte d’autonomie, de l’éloignement du pouvoir, de la
confiscation démocratique ou craignent « d’être mangés » par la ville centre. On se presse et on ferraille au comptoir de « l’épicerie métropolitaine »
alors que les enjeux sont sans doute ailleurs, entre acceptation des
réalités et indispensables dépassements. Il est temps de faire fi des
frontières et des chapelles pour engager une dynamique de « fabrique métropolitaine » qui rime avec créativité, innovation ouverte et citoyenneté, un processus continu dans lequel chacun trouve sa place.
Accepter le réel
Il faut d’abord rappeler quelques points essentiels. Tout d’abord, Grenoble n’est pas une exception. Dans notre vieux pays de France sans véritable tradition urbaine, toutes les agglomérations sont à la recherche d’une nouvelle concordance entre l’urbs et la civitas, de nouvelles relations entre les centres et les périphéries et d’une masse critique leur permettant d’exister sur les cartes d’Europe. En clair, tous les gouvernements urbains courent après leur banlieue et tentent de s’aligner sur les nouveaux critères du marketing territorial. Tous cherchent à répondre aux besoins de la population locale et à renforcer leur attractivité. Tous sont écartelés entre le « care » et le « ranking »
Il faut d’abord rappeler quelques points essentiels. Tout d’abord, Grenoble n’est pas une exception. Dans notre vieux pays de France sans véritable tradition urbaine, toutes les agglomérations sont à la recherche d’une nouvelle concordance entre l’urbs et la civitas, de nouvelles relations entre les centres et les périphéries et d’une masse critique leur permettant d’exister sur les cartes d’Europe. En clair, tous les gouvernements urbains courent après leur banlieue et tentent de s’aligner sur les nouveaux critères du marketing territorial. Tous cherchent à répondre aux besoins de la population locale et à renforcer leur attractivité. Tous sont écartelés entre le « care » et le « ranking »
Second point : dans les faits, Grenoble est déjà une métropole fonctionnelle discontinue, c’est-à-dire une « ville au-delà de la ville »,
une entité urbaine qui attire chaque jour des dizaines de milliers de
personnes qu’elle rejette en soirée loin des limites administratives
communales dans une gigantesque pulsation. Grenoble est une métropole
sous tension comme une autre, une entité urbaine qui rencontre les
problèmes de toutes les agglomérations de cette taille avec cependant
des contraintes supplémentaires liées à la topographie.
Dernier élément : l’accord métropolitain négocié entre collectivités
sera nécessairement imparfait et éphémère tant les territoires, les
temps et les mobilités de nos contemporains sont labiles. Périodiquement
convoqués au chevet de la ville pour définir les nouveaux « territoires pertinents », les géographes savent les limites d’un exercice sans cesse recommencé.
Changer de regard
Passée ce travail de « banalisation métropolitaine », Grenoble doit changer de regard sur elle-même. Elle doit penser ses temps et ses espaces, s’imaginer comme un système de flux et non comme un système de stocks où chacun se crispe naturellement sur ses acquis. Elle doit prendre conscience que la richesse vient aussi des marges tant spatiales, culturelles, sociales, économiques que temporelles. C’est là que se trouve une part de l’énergie, de la créativité et de l’innovation métropolitaine.
Passée ce travail de « banalisation métropolitaine », Grenoble doit changer de regard sur elle-même. Elle doit penser ses temps et ses espaces, s’imaginer comme un système de flux et non comme un système de stocks où chacun se crispe naturellement sur ses acquis. Elle doit prendre conscience que la richesse vient aussi des marges tant spatiales, culturelles, sociales, économiques que temporelles. C’est là que se trouve une part de l’énergie, de la créativité et de l’innovation métropolitaine.
Grenoble doit dépasser la question centre-périphérie pour construire
une réflexion plus équilibrée en termes de co-développement. Confrontée à
un devoir d’innovation qui la renvoie à ses nobles traditions, Grenoble
ne doit pas se crisper devant l’enjeu en mettant la barre trop haut et
en imaginant que le monde entier a les yeux rivés sur la « capitale des Alpes », guettant la réponse du « laboratoire grenoblois »
aux problèmes de développement soutenable. Personne ne nous attend.
Nous pouvons donc oeuvrer sans peur d’expérimenter et de nous tromper.
Se penser comme un « laboratoire d’excellence » peut parfois
être inhibant, impressionner plutôt que stimuler. Le mieux est l’ennemi
du bien. Grenoble doit être fière de son passé mais ne pas s’enfermer
dans la litanie des innovations passée tant en matière de mécanique, de
technologie que de dynamique sociale.
La métropole doit prendre conscience que les solutions en termes de
développement durable ne se trouvent pas seulement du côté des
infrastructures et des technologies mais aussi du côté des usages et de
l’organisation de la société métropolitaine. Elles peuvent et doivent
émerger de démarches d’intelligence collective et de mobilisation de
l’expertise citoyenne. La métropole c’est d’abord une nouvelle façon de
penser et de vivre ensemble hors les murs et hors les bornes. C’est dans
la « fabrique métropolitaine », cette capacité de co-construire la « ville au-delà de la ville », que Grenoble peut et doit innover. Cette innovation territoriale est à la foi un défi et un formidable moteur.
Luc Gwiazdzinski