mercredi 26 décembre 2012


Imaginer une métropole augmentée

Par Luc Gwiazdzinski
 
La « fabrique métropolitaine » n’est pas qu’une question mécanique et quantitative de dépassement de limites administratives et d’accroissement du nombre d’habitants. C’est d’abord et avant tout une démarche qualitative et hors les murs, un processus continu permettant d’imaginer les contours d’une « métropole augmentée ».

Enchanter le territoire
Face à la demande de réassurance d’une population en mal de repères, il est nécessaire de construire une « figure territoriale » même imparfaite, dans laquelle peuvent se développer les enjeux, s’élaborer les stratégies et se définir des politiques. L’invention du territoire a des bienfaits qui dépassent les seuls aspects technico-administratifs. Au-delà du nouveau mécano institutionnel et du projet métropolitain qui devront naître d’un travail collectif, il faut « éditorialiser » la métropole, définir un « grand récit » qui donne du sens, construire une « figure métropolitaine partagée » qui permette de travailler ensemble. Il faut construire un « imaginaire métropolitain » qui dépasse celui de « la métropole subie des encombrements et des pollutions ».
En ce sens le ré-enchantement du lien entre la ville et la montagne est indispensable, obligeant à changer d’échelle et à prendre de la hauteur. La relecture des multiples apports des immigrations italienne et maghrébine est une autre nécessité. Si la Tour Perret est un symbole architectural de la métropole, il faut alors la restaurer au plus vite. Le téléphérique qui mène au haut-lieu de la Bastille est sans doute plus signifiant pour les Grenoblois et les visiteurs. Dans ce cas les projets de transport par câbles qui resurgissent sont essentiels.
Au-delà des seuls arguments techniques et financiers, ils contribueront au renforcement d’une identité métropolitaine en mouvement par le lien avec l’industrie et les savoir-faire régionaux, par la mise en scène ludique et touristique de la métropole des hauteurs, par l’émergence d’un « cinquième paysage » (après le bâti urbain, l’Isère, l’autoroute et la montagne) et comme symbole lisible et fonctionnel du lien revivifié entre ville et montagne. Il faut choisir cette route haute, rendre la métropole désirable, l’érotiser, écrire une feuille de route qui rassemble et lui donner de la chair en ouvrant quelques chantiers à la hauteur des ambitions.

Ouvrir des chantiers
Il faut d’abord faire tomber les frontières entre recherche et expérimentation, citoyens et décideurs pour construire un écosystème métropolitain, à partir d’une « plate-forme territoriale d’innovation ouverte » qui croise les compétences de différents acteurs : collectivités, entreprises, associations, créatifs et citoyens autour de l’idée de « métropole augmentée ».
Un territoire qui se développe, qui attire et où chacun se sent bien est un territoire organisé où l’on se rencontre. En ce sens, Grenoble doit s’attacher à définir une nouvelle « métropolité », c’est-à-dire une urbanité particulière à cette échelle qui passe par la définition d’espaces publics et de lieux de rencontre de qualité (places, cheminements…) mais également par la définition de grands moments métropolitains, de grands événements qui permettent à des hommes et des femmes aux emplois du temps et aux territoires vécus éclatés, de « faire métropole ».
Elle doit sculpter des temps communs, construire un « urbanisme des temps » en soignant également ses saisons, ses dimanches, ses nuits, tous ces temps particuliers qui font aussi la dynamique et l’identité d’un territoire. Face aux embouteillages, elle peut répliquer par un « pacte de mobilité » qui joue sur les horaires de travail. Face à l’absence d’espace, elle doit penser ses bâtiments et ses espaces publics en termes de modularité, de malléabilité et de polyvalence en évitant de traduire la moindre demande de service en nouvel espace consommé.
Grenoble doit prendre soin de celles et ceux nombreux qui viennent d’ailleurs pour étudier, travailler ou se divertir mais votent ailleurs, là où ils dorment. Elle doit imaginer de nouvelles formes d’association de ces habitants temporaires à la vie de la métropole en développant une « citoyenneté éphémère ». Elle doit également se doter d’une politique touristique qui associe les touristes à la construction du territoire.
Plus que de limites strictes, Grenoble a besoin de définir des « projets d’intérêt métropolitains » qui permettent de focaliser les énergies sur de vraies ambitions collectives.  Elle doit se doter de « compétences métropolitaines » sur des politiques à cette échelle comme les transports ou l’environnement par exemple.
Il faut éviter de transformer les nouvelles limites en frontières en développant les coopérations à différentes échelles de la région à l’Arc Alpin. Enfin et surtout, construire une métropole augmentée, nécessite de connaître et de prendre soin  des « métropolitains » ces être étranges et mal connus qui vivent là, à cette échelle. Vous, moi et tous les autres.
Les quelques pistes proposées font partie d’un plaidoyer pour un large débat autour de l’idée de « métropole augmentée », l’envie d’une réflexion qui dépasse les bornes autour d’un territoire pensé comme une « plateforme d’innovation ouverte », sans chapelles, ni frontières. Un petit territoire du Jura nous a prévenus : « le Haut-Saugeais n’a pas de frontières, ce sont ses voisins qui sont bornés ».

Luc Gwiazdzinski

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